Les droits culturels sont définis dans la Déclaration de l’Unesco de 2001 (art. 5) en tant que cadre propice à la diversité culturelle.
L’article 6 de cette même Déclaration précise également que « (…) La liberté d’expression, le pluralisme des médias, le multilinguisme, l’égalité d’accès aux expressions artistiques, au savoir scientifique et technologique – y compris sous la forme numérique – et la possibilité, pour toutes les cultures, d’être présentes dans les moyens d’expression et de diffusion, sont les garants de la diversité culturelle ».
L’appel « Décoloniser les arts » qui circule depuis quelques semaines dans les médias interpelle les institutions nationales et internationales à propos de la nécessité de garantir une juste visibilité de la diversité culturelle sur nos scènes, sur nos écrans, afin de lutter contre les discriminations dans le spectacle vivant et les arts à l’encontre « des populations minorées et post-coloniales ». L’argument proposé dans l’appel prend également appui sur la récente inclusion des droits culturels dans l’article 103 de la loi NOTRe.
Patrice Meyer-Bisch, coordonnateur de l’Institut interdisciplinaire d’éthique et des droits de l’homme de Fribourg (IIEDH), a réagit à cet appel en apportant des précisions sur ce qui fait « diversité culturelle » selon une approche basée sur les droits de l’homme.
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Réponse de Patrice Meyer-Bisch à l’appel lancé par l’association « Décoloniser les arts ».
Avril 2016.
J’ai bien apprécié le paragraphe :
« L’affirmation des droits culturels pour toutes et tous par la loi NOTRe nous invite à embrasser les devoirs culturels qui sont les nôtres lorsqu’on est acteur du service public. C’est à dire agissant au service du public mais aussi œuvrant à construire de la chose publique, la res publica. Cette mission est passionnante, brûlante et urgente. Traitons-la. »
En effet, c’est notre « devoir culturel ». Mais je n’ai pas du tout apprécié la suite. Pourquoi ?
Il n’est pas possible, mais vraiment pas possible de réduire la diversité aux couleurs de peaux. Cette réduction est non seulement une erreur, mais un piège grossier. Des personnes sont en effet « racisées » (entendons, discriminées selon un motif de race), mais les races n’existent pas. Non seulement des Français de seconde ou troisième génération peuvent, tout en étant noirs ou bruns ou aux yeux bridés, être plus parisiens républicains que bien des français, mais surtout, il y a toutes sortes de diversités culturelles, d’origines géographiques (pas seulement noir-blanc), mais aussi de conditions sociales variées impliquant des références culturelles très diverses.
C’est l’ensemble des diversités qu’il faut considérer, car elles croisent les diversités de peaux. Votre démarche les thématise, risquant de ré-édifier ce que vous voulez contrer. Ce n’est pas la couleur de la peau qui fait principalement l’identité pour beaucoup, c’est un grand nombre de références culturelles (langue, famille, religion, disciplines apprises, modes de vie, métier, arts, religion, sport,…). C’est la diversité des diversités, celle qui compte, qui est à respecter et à valoriser, sans cesse. Et c’est la liberté des personnes de choisir de se référer à cette diversité de ressources, à ne pas être enfermées à une seule, que les droits culturels, en tant que droits humains, défendent.
Dans votre manifeste, vous la réduisez. On n’est pas noir ou blanc, ou « non-blanc », c’est absurde : on est coloré de diverses façons, on est métissé par un assemblage de tout ce qu’on laisse nous toucher. Et c’est ce qui est intéressant et riche. Et je suppose que c’est ce que vous voulez valoriser aussi.
Je ne mésestime certes pas la souffrance des discriminations qui utilisent le prétexte de la présumée « race », mais il n’est pas question de tomber dans ce piège. Au lieu de thématiser seulement la couleur et l’ethnie, il faut déconstruire, et mettre à la place d’autres valeurs, celles qui nous traversent tous, celles qui sont garanties par les droits universels.
Il me semble plus judicieux de parler de toutes les personnes minorisées, plus précisément discriminées, que ce soit pour le motif de leur origine géographique, de leur genre, de leurs opinions, de leur origine sociale, de leur âge,… et de protéger plus spécialement encore celles qui sont discriminées de façon multiples sur la base de plusieurs de ces motifs.