Entretien avec Monique RAMOGNINO,
adjointe au Maire d’Angers, déléguée à l’action, à l’animation et au patrimoine culturels.
Depuis octobre 2008 la ville d’Angers initie une large démarche participative ayant pour finalité l’élaboration d’un agenda 21 de la culture du territoire angevin. Retour sur les intentions qui ont guidé la ville d’Angers dans cette initiative.
Comment avez-vous identifié l’Agenda 21 de la culture ?
Depuis les années 2000, le premier magistrat de cette ville s’est engagé dans un agenda 21 au niveau de l’environnement. C’est un socle qui s’est avéré solide et moteur de notre démarche. Sur les trois piliers du développement durable, nous nous sommes rendus compte que nous avions un manque total au niveau de l’approche des politiques culturelles. C’était un peu inattendu de voir cette faille à Angers, alors que la culture y est très riche et très dense. À l’époque, il n’y avait que le Museum des sciences naturelles qui avait décidé de proposer une fiche pour l’Agenda 21 du territoire d’Angers. Elle ne se situait encore que sur le plan environnemental, une seule des dimensions du développement durable.
Par la suite, la mission développement durable de la ville nous a alerté sur le contenu de l’Agenda 21 de la culture de Barcelone. Le texte a circulé entre nous et nous a totalement séduit. Ses intentions sont tellement nobles, comment ne pas adhérer à cette déclaration ?
Dans la réalité des propositions que la ville fait aux habitants, un peu comme Monsieur Jourdain, nous défendons déjà la diversité culturelle comme une dimension essentielle. Nous le portons au niveau idéologique, mais nous ne l’avons pas vraiment théorisé. Pour vous donner un exemple, la ville d’Angers a créé un jumelage très fort avec le Mali. Il s’agit d’un vrai jumelage de complémentarité avec un travail de fond réalisé au niveau de la lecture, de la musique, de la santé, etc. D’autres que nous ont théorisé cette approche. Nous avons donc décidé de nous y intéresser.
Qu’apporte l’Agenda 21 de la culture de différent ou de complémentaire à l’Agenda 21 déjà en cours à Angers ?
Je crois que l’Agenda 21 est un programme politique qui instaure une rupture dans les pratiques de concertation, de réflexion et de prise de décision.
D’une manière concomitante, le maire avait mis en place les conseils consultatifs de quartier avec des personnes recrutées pour s’en occuper. La démarche participative est donc ancrée dans une intention politique forte dans notre ville. Peut-on appliquer à la culture ce partage de savoir, de pouvoir et de responsabilité ?
Nous avons à Angers une offre culturelle d’une grande diversité avec un public qui répond extrêmement présent. Mais nous restons jusque-là dans une forme de consumérisme de l’offre culturelle, avec des gens qui s’approprient le contenu et d’autres qui le critiquent. Nous sommes confrontés à la prise en compte de faire coexister de grands équipements structurants et des compagnies émergentes. Une manière de pouvoir traiter ces rencontres, auxquelles je crois vraiment beaucoup, était de s’engager dans une démarche d’Agenda 21 de la culture.
Cette déclaration de Barcelone me paraît tellement belle qu’il n’y a rien de mieux à ajouter sinon à la faire vivre et à se l’approprier. La démocratisation culturelle passe par l’acceptation d’une diversité culturelle. L’Agenda 21 de la culture est une utopie pour laquelle il faut se bagarrer. Si on ne croit pas à cela, on risque de manquer une rencontre avec la population.
Comment mettre en œuvre l’utopie ? Quels moyens nous nous donnons pour accéder au partage de la responsabilité d’un choix culturel ? On en est aux balbutiements. On n’aura pas assez de ce mandat pour écrire et pour consolider ce socle-là, mais je crois qu’on n’est pas trop mal parti à Angers pour y parvenir.
Pensez-vous que l’Agenda 21 de la culture peut vous permettre d’aller plus loin dans votre politique culturelle ?
C’est une interrogation sous-jacente à mon action. Est-ce que nous avons vraiment besoin de cet Agenda 21 de la culture, tellement chronophage ? L’arrêt sur image qu’il nous oblige à faire sera hyper bénéfique si les actions que nous poursuivrons se font avec les quatre piliers du développement durable. Cela ne peut être effectif que si nous “contaminons” l’ensemble des politiques publiques. Nous voudrions également étendre cela à la communauté d’agglomérations, mais nous n’y sommes pas encore. Nous sommes encore sectorisés, chacun dans ses soucis et ses préoccupations. Cela est légitime. Mais si l’Agenda 21 est un programme politique, il doit l’être dans la globalité.
Les autres élus municipaux sont-ils impliqués dans la démarche ?
Nous avons prévu de faire une communication auprès de la municipalité, mais jusqu’à présent c’était un peu prématuré. Certains collègues sont complètement convaincus, Pour d’autres, c’est le premier magistrat qui peut impulser la démarche commune. Dans certains secteurs, nous arrivons à le faire, mais il faut qu’il y ait une prise en compte du politique au sens le plus noble du terme pour mettre tout le monde en ordre de marche.
Je crois que l’on prouve le mouvement en marchant. Si un jour, nous signons en grande pompe l’Agenda 21 de la culture, ce sera après l’avoir mérité. L’engagement politique doit être sous-tendu par des actions, sinon c’est du vent.
Quels sont les objectifs poursuivis par un tel processus ?
Plutôt que de créer une politique culturelle distincte des autres contenus du développement durable, autant faire en sorte de réunir nos forces et nos convictions et de donner à la culture cette dimension-là. Passer d’une offre culturelle à un projet culturel qui soit partagé, un projet qui soit vécu par la population comme un accouchement ensemble et pas seulement comme une proposition à laquelle “j’adhère ou je n’adhère pas”, “je critique ou je ne critique pas”. Il faudrait désormais que toute nouvelle action soit prise sous la grille de l’Agenda 21 de la culture dès sa conception.
Pour une fois, nous nous trouvons avec les confrontations des points de vue du politique, des directeurs de structures, des acteurs de la culture, des gens qui participent déjà à la vie culturelle et du grand public réunis. Toutes ces personnes sont autour de la table à essayer de se connaître, de s’apprécier, de se neutraliser parfois, et réciproquement. Chacun d’entre-nous n’est plus dans le rôle qu’il a l’habitude de jouer. Pour tout le monde c’est une trouvaille. C’est en train d’ébranler des choses importantes.